Jean Daniel André se passe de présentation. Sportif éloquent, travailleur social engagé, il a marqué l’histoire de Rodrigues et de Maurice… Jean Daniel André nous a quitté cette année, le 22 septembre dernier, à l’aube de ses 58 ans. Son parcours parle de l’homme exemplaire qu’il a été. Pour les 20 ans de l’autonomie de Rodrigues, le gouvernement régional a décidé de lui rendre hommage en donnant son nom au stade de Camp du Roi.

Cet habitant de Citronnelle a ouvert la voie à bon nombre de sportifs rodriguais. Il a aussi été un mentor pour les jeunes de son île, en tant que ‘Youth Officer’, un métier et une vocation qu’il a pratiqué pendant plusieurs années. Le sport a toujours été son dada. Malgré le manque d’infrastructures sportives et de facilités durant les années 70s et 80s, Daniel André a su se démarquer en pratiquant plusieurs sports, dont le judo et le football. L’athlétisme restera, toutefois, sa discipline de prédilection et qui l’emmènera à Maurice en 1980, où il a poursuivi ses études secondaires. Il avait alors 16 ans.

De 1984 à 1987, Daniel André a été le recordman de Maurice du 400 m en 47’7. Le jeune homme caressait toujours le rêve de participer aux Jeux Olympiques. Un objectif qu’il n’a pas tardé à réaliser. En 1984, il a été le premier Mauricien à participer dans une discipline des JO. Il était le plus jeune d’une délégation mauricienne de quatre athlètes, qui avaient mis le cap sur Los Angeles, aux États-Unis. En 1985, il a été le premier Rodriguais à participer aux Jeux des îles de l’océan Indien. La même année, il a été décoré par la Reine Elizabeth II. Ses participations aux compétitions internationales s’enchaînent. Après sa retraite sportive, il entame une carrière d’entraîneur et instructeur de l’IAAF (International Amateur Athletic Federation). À savoir que Daniel André a été fait « Honorary Freeman of Rodrigues » par l’Assemblée Régionale en 2003, décoré par l’IAAF en 2012 et élevé au rang de MSK par la République de Maurice en 2015.

Au-delà du grand sportif qu’on connaît tous, Daniel André a été un homme avec un grand cœur et était toujours prêt à donner de sa personne pour venir en aide aux autres. ‘’Je suis l’un des premiers athlètes qu’il a entraînés. Je garde le souvenir d’un homme qui avait le cœur sur la main. Je me souviens de mes premiers pas au niveau national. J’avais été sélectionné pour participer à des compétitions à Maurice et je n’avais pas de ‘spikes’. Les ‘spikes’ étaient trop chères à l’époque et je ne pouvais me permettre d’en acheter. Il avait une paire qu’il avait gardé comme souvenir et il n’a pas hésité à me la donner pour que je puisse participer à ces compétitions’’, avait témoigné Éric Milazar, le jour de son décès, sur Toradio.TV.

Daniel André avait toujours ce don pour motiver les gens. Fernando Augustin, autre athlète reconnu à Maurice, se dit honoré d’avoir connu un coach comme Daniel. ‘’Il n’avait pas peur d’ouvrir sa bouche pour se faire entendre ou pour faire entendre la voix des autres. La mort de Daniel André a été l’un des plus grands chocs que j’ai vécus jusqu’ici. Il a tellement contribué dans ce que je suis aujourd’hui. Je me souviens qu’en 1993, alors qu’il a commencé à suivre mes performances sportives et que je devais me rendre à Maurice pour les Jeux de l’Avenir, il est venu jusqu’à chez moi pour m’annoncer que j’avais été sélectionné. C’est à partir de là qu’il a, aussi, commencé à me pousser pour m’améliorer. Il m’a toujours motivé pour aller de l’avant. Aujourd’hui, j’ai décroché plusieurs titres, mais je vous dis franchement, s’il n’y avait pas Daniel je n’aurais jamais pu mettre mes pieds dans un avion pour aller participer à une compétition sportive’’.

‘’La liste des athlètes que Daniel a entraînés est vraiment longue. Mais il n’y pas que les sportifs qu’il a aidés. Je connais beaucoup de jeunes qui sont redevables envers lui, pour ce qu’il a fait pour eux. Il n’hésitait pas à faire une recommandation quand il fallait. Il faisait plus que nous entraîner, il nous faisait la morale, nous parlait de l’importance de nos études. Il n’hésitait pas à aller voir les parents pour avoir leurs autorisations pour que leurs enfants puissent participer dans des activités. Nous ne finirons jamais de le remercier pour ce qu’il a fait pour nos jeunes’’, devait ajouter l’ex-athlète et coach sportif, Henrico Louis.

Pour Idea François André, son épouse, la disparition de Daniel est toujours dure à accepter. ‘’Sa présence me manque toujours. Nous étions très attachés l’un à l’autre et il y a toujours des choses qui me rappellent qu’il n’est plus là. Moi et mes fils, nous faisons tout pour remonter cette pente et combler le vide qu’il a laissé’’, nous a-t-elle confié au téléphone. ‘’Il était un mari attentionné et patient envers sa femme. Il avait toujours une réponse positive pour me réconforter, lorsque j’étais malade ou inquiète. Une fois, je lui ai dit heureusement qu’il n’était pas malade et qu’il pouvait s’occuper de moi, il m’a répondu : « les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent ». Cette phrase me revient souvent’’, a-t-elle ajouté.

Daniel André était le père de deux garçons. ‘’ C’était un bosseur. Il faisait toujours de son mieux pour subvenir à nos besoins et nous satisfaire. Une fois à la maison, il m’aidait toujours dans les tâches ménagères, piochait dans son potager ou nourrissait ses poules. Il s’assurait toujours que même ses deux adorables chiens (Scotch et Whiskey) ont leurs réserves de nourriture. Il n’était pas juste le père de mes garçons, il était aussi leur ami. Ils parlaient le même langage : le sport ! Il voulait que ses fils soient des modèles, comme lui. Mais il leur disait toujours que les études passent avant tout. « Parski sans ene boute papier qui nous apel sa certificat academik la ou pou ene zéro! », leur disait-il souvent. Il ne leur grondait jamais. Pour leur réprimander, il leur parlait calmement, comme-ci il parlait à des adultes’’.

Daniel André croquait la vie à pleines dents. ‘’Il ne s’était jamais préoccupé des malheurs qui pouvaient lui arriver. Il disait toujours « when we reach the bridge, we cross the bridge! ». Il n’avait pas peur de la mort, car il me disait toujours, on mourra tous un jour et qu’entre lui et moi, il y aura toujours un qui partira en premier. Daniel nous manque beaucoup dans la maison’’, nous a confié Idea François André.